Dans la continuité de nos analyses Product x GenAI : alors que la dernière fois Terence Mahier disséquait Microsoft Copilot, aujourd’hui c’est Ulysse Sabbag qui nous partage sa réflexion sur l’évolution des interfaces à l’ère de l’IA générative. Depuis 15 ans, Ulysse collabore avec des startups françaises et internationales sur des sujets liés à l'ergonomie et à la psychologie de l'utilisateur.
Le monde a changé. Ces mots me sont venus à l'esprit quand j'ai vu pour la première fois l'application Cursor écrire tout un mini-programme devant mes yeux ébahis, simplement en lui parlant dans un langage humain que je maîtrise. Il y a 15 ans, je galérais sur des tutoriels de code pour essayer de modifier mon blog WordPress. Je n'y comprenais rien, alors j'ai fait du design à la place (véridique).
Les défis sont nombreux pour concevoir des interfaces utilisables avec de l’IA générative, et il faudra un effort conséquent pour aider les utilisateurs à profiter de toute sa promesse.
Dans cette édition, nous allons voir quels sont concrètement ces problèmes de design, et je vais vous proposer quelques astuces pour mieux concevoir ces nouvelles interfaces.
Les défis de l’intégration de l’IA dans les UI — et des solutions
Un “point de départ” pour surmonter le problème de la page blanche
Lorsque les utilisateurs sont confrontés à une interface totalement ouverte, comme ChatGPT, ils peuvent être un peu dépassés par les possibilités et ne pas savoir quoi demander. Cela fait bientôt 2 ans que j’utilise ChatGPT, et pourtant, les prompts de base qu’ils me proposent dans un nouveau chat n’ont rien avoir avec moi (le backlog doit être solide cependant, je pardonne).
L’IA est bien “générative”. Elle peut proposer un point de départ. D’un point de vue cognitif, cela est moins coûteux de corriger ou de modifier plutôt que de commencer de zéro.
Pi suggère des points de départ pour discuter (à gauche) puis des suggestions comme follow-up.
Lex, un éditeur de texte comme Google Docs repensé pour l’IA, propose trois points de départs.
Des suggestions intelligentes plutôt que de rédiger un prompt
La plupart des utilisateurs n’ont pas les compétences pour bien “prompter” l’IA. Ni moi d’ailleurs ! C’est bien plus un art qu’une science, et qui est “prompt engineer” est surtout “prompt designer”.
Ce n’est pas grave, car vous pouvez suggérer des actions intelligentes basées sur le contenu entré par l’utilisateur, ou carrément prompter à sa place.
Notion propose des actions claires, bien pensées pour les cas d’usages typiques.
Botpress, un service de création de chatbots, propose d’écrire pour vous un morceau de code sans avoir besoin de connaissance technique. L’utilisateur va entrer un texte pour décrire une transition dans son chatbot, et l’IA va analyser son intention, avant d’écrire un prompt qui va générer le code requis.
Affiner ou expliciter pour remédier au manque de transparence et de contrôle
Lorsque l’IA travaille (synthétise du des infos ou organise du contenu), il peut être difficile d’avertir les utilisateurs des limites d’une manière simple. Les personnes pourraient tirer des conclusions erronées de la synthèse de l’IA ou pire, ne pas remettre en cause son contenu, alors que ces modèles “hallucinent” encore bien trop.
Plusieurs solutions existent, comme montrer le raisonnement de l’IA, ou bien proposer à l’utilisateur d’affiner sa demande.
Derrière ce texte (un peu) difficile à lire se cache le raisonnement de l’IA quand je lui ai demandé de générer un site pour présenter mon travail de photographe (faux). Cela me permet de bien savoir si ce modèle va bien faire ce que je lui demande.
Ici, Perplexity Pro me pose quelques questions pour affiner ma demande, qui n’était pas vraiment très claire, et qui surtout ne permettait pas de me donner une réponse satisfaisante. Je peux bien sûr sauter cette étape, et voir une réponse plus “standard”.
Un nom, une personnalité, et un style visuel pour simplifier l’adoption de l’IA dans un produit existant
La plupart des startups et autres entreprises digitales souhaitent intégrer l’IA générative dans leur produit existant. Pas tout le monde commence d’une page blanche (sans mauvais jeu de mots).
Le problème vient qu’intégrer l’IA générative de manière fluide dans son produit n’est pas encore un jeu d’enfants car les bonnes pratiques sont encore en train d’être standardisées.
Mais plusieurs pistes s’offrent à nous, comme adopter un style visuel cohérent et peut-être même un peu de personnalité à ces fonctions, pour bien les différencier de l’existant, sans pour autant les isoler.
Claude.ai, l’assistant d’Anthropic, a un nom humain, ce qui nous permet de créer un peu plus de connexion émotionnelle avec lui ou elle. Et cela permet de bien créer une séparation mentale pour l’utilisateur entre la partie non-IA et la partie IA de votre produit, si tel est votre contexte.
Autrement, il peut être convenable de bien différencier visuellement les fonctions IA dans votre produit. Il y a deux tendances d’icônes qui se dégagent : le scintillement (sparkles) ✨ et les orbes 🔮. Le robot 🤖 à moindre mesure. Attention : ceci est basé sur une analyse purement subjective.
Deux exemples :
Google a choisi le scintillement comme élément visuel pour dénoter son IA. On notera son ton légèrement désagréable.
Ici, Spotify a choisi un élément circulaire et mouvant, qui rappelle, dans un style plus simple, l’orbe de Siri.
Pour aller plus loin
Il y a encore tant à faire et à découvrir, mais j’espère que ces quelques exemples vont pouvoir alimenter votre réflexion. Il existe désormais pas mal de ressources pour aller plus loin, je vous propose de découvrir The Shape of AI par Emily Campbell qui propose une vue d’ensemble complète des patterns à garder en tête.
Si vous tombez sur des ressources intéressantes, n’hésitez pas à nous les envoyer, je me ferais un plaisir de les partager dans une prochaine édition.